Le dioxyde de titane, ou comment concocter un scandale sanitaire presque parfait...
C'est magnifique. Nos industriels préférés se sont surpassés (sous l'oeil avisé de nos politiques tant aimés). On frôle le sans-faute : une performance... titanesque !
♦ Acte I : dans les années 90, les industriels découvrent les nanoparticules (molécules 100 à 1000 fois plus petites qu'une cellule humaine, un million de fois plus fines qu'un cheveu). Miracle, comme la plupart des nouveaux composants chimiques, ils échappent à toute législation... Et c'est parti, on nous en tartine de partout : des colorants, des arômes ou des vitamines sont enfermées dans des nanocapsules que l'on mélange à des boissons pour en modifier la couleur ou le goût. Des sauces (dont le ketchup) sont épaissies par du dioxyde de silicium. Des vinaigrettes sont blanchies au dioxyde de titane, qui sert aussi à éviter le "blanchiment gras" des confiseries chocolatées. Les silicates d'aluminium empêchent l'agglutination des aliments en poudre. Les emballages, aussi, renferment toutes sortes de nanoparticules révolutionnaires. Sans parler des technologies non alimentaires : électronique, chimie, cosmétique, pharmaceutique...
♦ Acte II : on réfléchit. Et on s'inquiète, timidement. Dès 2003, les premiers soupçons apparaissent. En 2006, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe le dioxyde de titane comme cancérogène possible pour l'homme. En 2007, la représentante de l'AFSSAPS dit aussi craindre des maladies auto-immunes. En 2009, plusieurs études montrent que les nanoparticules peuventendommager l'ADN, sans même pénétrer dans les cellules. D'où un possible effet cancérigène. En mars 2010, l'Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail) sonne officiellement l'alerte : "Le risque ne peut pas être évalué, il ne peut donc pas être exclu", recommandant "d'agir sans attendre au nom du principe de précaution". Las, les lanceurs d'alerte, même publics, n'ont pas la côte, par les temps qui courent.
♦ Acte III : alors que le marché explose, les études scientifiques se font de plus en plus précises. Parmi les dernières en date, celle du Professeur Jürg Tschopp de l'UNIL, Prix Louis-Jeantet de médecine 2008, pour lequel les effets du dioxyde de titane sont à comparer à ceux de l'amiante... rien de moins ! Et la toute dernière, publiée dans la revue Biomaterials du 24 octobre 2011, menée à bien par des chercheurs du CEA et de l’Université Joseph Fourier. Selon ces scientifiques, des souris exposées au dioxyde de titane (par inhalation) voyaient les nanoparticules s'accumuler au niveau de leurs cellules endothéliales, ce qui avait pour fâcheuse conséquence de faire exploser la barrière de protection censée bloquer les toxines susceptibles de pénétrer le cerveau, et donc le système nerveux central... impliquant l'apparition de troubles tels que des inflammations cérébro-vasculaires ou la perturbation de certaines fonctions cérébrales. C'est la fête.
♦ Acte IV : on fait l'inventaire... Qui, que, quoi, dont, où ? Euh. Problème : Aujourd'hui, le nombre de produits en vente libre contenant des nanoparticules est impossible à connaître. Les producteurs communiquent très peu sur le sujet... puisque rien ne les y oblige. Plusieurs études indépendantes s'y sont toutefois risquées. On estime aujourd'hui qu'entre 1000 et 1500 produits en vente libre contiennent des nanoparticules. En 2008, le cabinet de consultants Helmut Kaiser a évalué l'évolution du chiffre d'affaire du secteur : de 2,6 milliards de dollars en 2003 à 5,3 milliards en 2005. Il est attendu à plus de 20 milliards en 2010. De quoi exciter les papilles.
"Il a fallu presque 100 ans et d'innombrables décès jusqu'à ce que l'amiante soit banni" a déclaré Jürg Tschopp... Courage. Plus que 90 ans à tenir pour connaître l'épilogue !
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